A la rencontre du peuple Nenets

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Au mois de Mars 2019, nous sommes parties pour la première fois en Russie et plus particulièrement en Sibérie pour vivre une aventure incroyable : 180 kilomètres de marche en totale autonomie sur les rives gelées du lac Baïkal. Ce voyage est à l’heure actuelle l’un des plus beaux que j’ai été amenée à vivre. J’ai à peu près tout aimé en Sibérie. La beauté de ses paysages sauvages. La rudesse de son climat. La déconnexion totale imposée par ce type de séjour. Le mélange des cultures russes et chamaniques. Et puis par-dessus, Anastasia, notre guide d’aventure au Baïkal, nous a permis de vivre un voyage en tout point parfait – même lorsque nous avons cassé un arceau de la tente en pleine tempête. A peine rentrées à Paris, nous rêvions de repartir avec elle explorer d’autres coins sauvages de la Sibérie et notamment la Péninsule de Yamal au-delà du Cercle Polaire Arctique. Alors quelques mois plus tard, nous l’avons retrouvé à Salekhard, juste après un bref stop passé à Moscou, pour un voyage en immersion à la rencontre des Nenets, les peuples nomades éleveurs de rennes du Yamal.

LA RENCONTRE

Journal de bord de notre arrivée dans l'Oural

J’ai le nez collé au hublot. Et tandis que l’avion entame sa descente en direction de Salekhard, mes yeux dévorent littéralement le paysage. Une chaîne de montagnes recouverte d’une épaisse poudreuse. Des rivières sinueuses glacées dans leurs lits. L’ombre d’une forêt. Et surtout pas de route. Au début, je n’ai pas vu la ville. Juste un petit halo lumineux, émanant d’un éclairage public, et puis le déclic. Salekhard est là, sous la neige. Mais Salekhard n’est qu’une étape. Notre destination finale se situe au-delà du Cercle Polaire Arctique. Au-delà d’Aksarka, un petit village de pêcheurs, où nous entassons nos affaires à l’arrière d’une motoneige. Au-delà des rives gelées de l’Ob et de ses torosses que traversent à chaque saison les peuples nomades du Yamal. Notre destination finale se trouve quelque part au beau milieu de la toundra enneigée au nord de l’Oural et il s’agit d’un Tchoum. Le Tchoum de Nina et Pavel.

Lorsque je me glisse hors de la motoneige, j’ai les jambes raides, le nez rougi malgré mon passe-montagne et je ne sens déjà plus mes orteils engourdis par le froid. Je retire mon masque pour découvrir, sans filtre, ce nouvel environnement qui sera notre “chez nous” pour la semaine à venir. La toundra est une vaste étendue de terre recouverte de lichens, de mousse et de diverses variétés d’arbrisseaux. En ce mois de Novembre, elle est recouverte d’une épaisse couche de neige, gelée par certains endroits, qui crie sous mes pas. Au loin, quelques collines enneigées se détachent ainsi que l’ombre d’une forêt aux arbres nus et sapins aux branches givrées. Et encore un peu plus loin, je distingue la silhouette massive d’un troupeau de rennes occupés à paître.

Au beau milieu de cette étendue givrée, à quelques mètres d’un lac dissimulé sous une épaisse couche de poudreuse, se tient le Tchoum, l’habitation traditionnelle des nomades Nenets et Khantis du Yamal, facilement reconnaissable grâce à sa forme similaire à celle d’un tipi amérindien. Son imposante structure de bois, plantée dans la neige de manière concentrique, est entourée d’un épais tissus en feutrine et de peaux de rennes cousues les unes aux autres. Au sommet, une ouverture dans la structure permet d’évacuer la fumée que dégage le vieux poêle à bois qui trône au centre du Tchoum. Juste à côté, dans un équilibre instable, se trouve une antenne TV qui capte les chaînes nationales russes.

Pavel et Nina sont présents pour nous accueillir. Nina a la cinquantaine. Au premier abord, elle semble légèrement timide mais son regard est chaleureux. Elle s’est enveloppée dans un manteau confectionné en peaux de rennes. Il recouvre sa longue robe rouge, ornée de motifs floraux et de perles brodées. Pavel semble un peu plus âgé. Il a une silhouette imposante et me semble un peu plus bourru. Mais tous deux font preuve d’une grande bienveillance. Les présentations sont un peu gauches. Heureusement, Igor, leur fils cadet, Anastasia, notre guide d’aventure, et la présence d’un jeune renne facétieux nous aident à briser la glace. Très vite, les conversations devient vers la motoneige d’Igor qui rencontre des difficultés mécaniques, la présence d’un gigantesque lièvre des neiges en mauvaise santé à proximité du Tchoum et l’heure du thé. Alors, on attrape nos sacs à dos, recouverts d’un sur-sac orange qui jure affreusement dans le paysage lumineux du Yamal, pour se glisser sous le Tchoum et débuter notre vie dans l’Oural.

voyage Nenets sibérie

voyage Nenets sibérie
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Voyage Nenets Sibérie

Voyage Sibérie Russie
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LA ROUTINE

Adaptation & Habitudes dans l'Oural

Dans la toundra, nous calons notre rythme sur celui de Pavel et Nina. Le matin, Nina est la première levée. Elle ne s’arrête jamais ! Volontairement, elle fait un bruit de dingue en s’agitant à travers le Tchoum pour nous réveiller. Le bois craque dans le poêle. La théière siffle quand l’eau bout. Siri, le chiot, vient se glisser au pied de nos duvets tandis que Murka, le chat, le snobe. Et Pavel grommèle. Alors nous nous extirpons de nos cocons, replions les peaux de rennes qui, la nuit, servent de matelas de sol et enfilons nos triples épaisseurs de vêtements pour une nouvelle journée dans la toundra.

Le Tchoum se compose d’une unique pièce de vie. Au centre, il y a le vieux poêle à bois noir qui, l’hiver, chauffe en continue. D’épaisses planches en bois rouges écaillées sont posées de chaque côté. Un léger jeu entre chaque planche me laisse apercevoir mousse et lichens. Des deux côtés, les peaux de rennes repliées mais aussi des coussins et des oreillers permettent aux habitants du Tchoum et à leurs invités de s’installer confortablement. L’ouverture du Tchoum est orienté vers le sud. Juste à côté, un petit réservoir suspendu au-dessus d’une bassine défraîchie nous permet de faire notre toilette. A l’opposé, Nina a installé une petite table basse et quelques caisses remplies de provisions. Cet espace lui tient lieu de cuisine. Le reste des provisions est entassé à l’extérieur du Tchoum sur d’énormes traîneaux. La télévision tourne en boucle dès que le générateur électrique est mis en marche à la tombée de la nuit. Et il n’y a rien de plus drôle que d’observer Nina glousser devant un reportage sur les préparatifs du Carnaval de Rio au Brésil.

Peu à peu, nous prenons nos marques et nos habitudes dans l’Oural. Le matin, dès que nous nous extirpons du Tchoum, le petit renne apprivoisé vient se coller à nous et à Nina qui le nourrit au biberon. Son pelage gris tacheté est complètement givré. Nous ne connaissons pas son nom aussi Célia l’a affectueusement renommé “Polochon”. Parmi l’ensemble des rennes du troupeau, c’est son chouchou. Le plus souvent, on participe aux tâches quotidiennes. On va couper des bûches pour chauffer le Tchoum. On puise de l’eau dans le lac qu’on fait ensuite bouillir pour le thé. Et parfois on s’essaie à la pêche ! Mais force est de reconnaître qu’on est assez peu douées pour cette dernière activité. Enfin, lorsque la nuit tombe, on part à la chasse aux aurores boréales.

Dans la toundra, nous n’avons pas d’emploi du temps précis mais il y a tout de même deux rendez-vous incontournables : le thé et les parties de cartes à la nuit tombée. Cinq fois par jour, nous nous retrouvons autour de la petite table basse de Nina pour partager une collation. C’est un moment convivial qu’on ne manquerait pour rien au monde. Sur la table, Nina déballe l’ensemble de ses victuailles : du pain, légèrement rassis que je fais griller sur le vieux poêle, des biscuits, de la confiture de lait ou de la confiture d’airelles récoltées par Nina et ses filles dans la toundra et parfois du poissons pêchés dans le lac voisin ou de la viande de rennes, crues, bouillies, mijotées et parfois même fumées. Le soir, entre le thé de 19 heures et le thé de 21 heures, Célia tente de maîtriser le jeu du “Durak”, un jeu russe où chaque joueur doit se débarrasser de ses cartes les plus rapidement possible. Au fil des soirées, Célia devient de plus en plus rusée face à Pavel, Igor et Nina tandis que nos russes préférés apprennent quelques rudiments de français : “tou joues” ou “j’ai perdou”.

Voyage Sibérie Russie
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voyage Nenets sibérie

Voyage Sibérie Russie
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LES ADIEUX

Nos derniers jours chez les Nenets du Yamal

Voilà plusieurs heures maintenant que nous nous trouvons sur un nouveau lac gelé situé à une quinzaine de kilomètres du Tchoum de Nina et Pavel. Tour-à-tour, on se relaie auprès du feu de camps fraîchement allumé pour y puiser un peu de chaleur avant de repartir forer la glace. Ce matin, on pêche au filet dans l’espoir de relever le lendemain carpes et brochets. Si Célia et moi sommes remplies d’enthousiasme, la pêche à la ligne ayant donné peu de résultat, Igor et Anastasia se montrent plus réservés. Alors on prend les paris : 50 roubles sont en jeu – soit l’équivalent de 73 centimes. Celia et moi estimons la prise à une quinzaine de poissons, Igor mise sur cinq. Homme de peu de foi, va !

A quelques pas du lac, se trouve le Tchoum de Vadim et de sa famille. Ce sont les plus proches “voisins” de Nina et Pavel. Malgré l’éloignement des deux Tchoums et l’isolement dans lequel nous vivons depuis une semaine, les nomades du Yamal seraient près de trente-cinq mille à vivre dans la toundra en suivant le mode de vie ancestrale. Vadim a l’âge d’Igor et deux enfants de deux ans et dix-neuf mois. Les enfants des nomades du Yamal vivent auprès de leurs parents jusqu’à l’âge de sept ans. Au-delà, ils partent pour Salekhard ou Aksarka en pension, et ne reviennent que deux fois par an auprès de leur famille, selon les transhumances. Ce jour-là, Vadim a rassemblé autour de son Tchoum son troupeau de rennes. Depuis notre arrivée, nous avons appris qu’il était mal élevé de demander le nombre de têtes qui composent le troupeau d’un Nenets. Cela reviendrait à demander à un éleveur le montant de son compte en banque. Mais dans la région du Yamal près trois cent milles rennes sont recensés par les autorités russes.

Vadim a prévu de vendre plusieurs bêtes de son troupeau. La relation entre les Nenets et leurs rennes est ténue. Le renne est à la fois une monnaie d’échange et une source de nourriture. Mais les Nenets utilisent aussi leur fourrure plus résistante que la peau du lièvre des neiges pour confectionner des vêtements, manteaux et bottes, ou encore pour recouvrir le Tchoum d’une épaisseur en plus pendant la haute saison hivernale et l’isoler du froid polaire. Les chiens de Vadim rassemblent les rennes en groupe au plus près du Tchoum autour de leur propriétaire et d’Igor, tous deux munis de lassos. Anastasia nous glisse que les éleveurs de rennes connaissent chaque bête qui compose son troupeau et qu’à l’heure actuelle, alors que le troupeau gravite autour de nous, Vadim a d’ores et déjà choisi les bêtes qui seront vendues.

J’ai abandonné le jeu du “Durak”. Je n’ai jamais retenu aucune règle de jeu de cartes, hormis la Bataille, et vous en conviendrez avec moi, son intérêt est assez limité. Selon nos adversaires, les parties se corsent complètement. Igor est patient. Célia, malicieuse, déjoue les pièges qui lui sont tendus. Nina essaie de tricher à chaque partie. Quant à Pavel, il jette toutes ses cartes sur le tapis en l’espace de trois tours. Mais c’est un véritable rituel qui s’est instauré soir après soir. On a offert un cadeau à Nina, afin de la remercier de son hospitalité, un pochon en tissus réutilisable contenant des fils à broder aux couleurs chatoyantes et des perles de diverses épaisseurs pour ses travaux de broderie et ses projets de couture. Ce soir-là, elle crâne en montrant à Igor ses nouveaux trésors. Nous ne l’avons pas vu coudre du séjour. Elle dit qu’elle n’ose pas quand elle reçoit des invités. Ça la bloque. Et je ne peux que la comprendre. Je serais bien incapable de sortir carnet à dessin et crayons de couleur devant des gens. Dehors, le ciel s’est voilé. Ce soir, il n’y a pas la moindre trace d’aurore boréale. Et les températures sont à nouveau tombées. Murka, le chat, marque une hésitation à chaque fois qu’il doit mettre une patte hors du Tchoum. Alors on se presse auprès du poêle grésillant tandis qu’Igor et Pavel nous raconte l’histoire d’esprits qui hantent les forêts alentours.

Voyage Yamal Sibérie

Voyage Nomade Sibérie
Voyage Nomade Sibérie
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Voyage Yamal Sibérie

Voyage Yamal Sibérie
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Voyage Yamal Sibérie

ORGANISER SON VOYAGE CHEZ LES NENETS DU YAMAL

Voyager à travers la Russie avec Anastasia Tsareva

Une fois encore, nous sommes parties en Russie avec Anastasia. Anastasia est non seulement guide d’aventure mais c’est aussi une voyageuse et photographe aux multiples talents, passionnée par la nature. Elle guide des groupes et des voyageurs individuels aux quatre coins de la Russie, de l’Oural polaire au Kamchatka en passant par les rives gelées du lac Baïkal en hiver. Ses voyages sont conçus pour les voyageurs et photographes aux profils multiples. Elle s’adresse aux aventuriers qui souhaitent passer des journées en totale autonomie dans des endroits sauvages avec nuits sous la tente, aux amoureux de nature à la recherche d’un certains conforts ou aux curieux, avides d’en apprendre plus sur la culture russe. Anastasia est également parfaitement francophone. Si l’aventure vous tente, on vous recommande ses voyages d’aventure en Russie les yeux fermés !

Quand partir en voyage chez les Nenets de Sibérie ?

Nous avons séjourné une semaine chez Nina et Pavel au début du mois de Novembre. A cette période-là, nous avons eu la chance de profiter de journées encore suffisamment ensoleillées, de huit à dix-sept heures, et d’observer les premières aurores boréales. Les températures oscillaient d’ores et déjà entre le -10°c et le -17°c. La seconde période propice à un voyage chez les éleveurs de rennes Nenets du Yamal est le mois d’Avril. A cette période, les nomades se réunissent à proximité de Salekhard pour la “Fête des éleveurs de rennes”. Cet événement accueille le retour des beaux jours. Elle permet aussi aux familles de se réunir et de renouer leurs liens d’amitiés avec les autres éleveurs de la région. Enfin la fête permet aux traditions de se perpétuer. Les festivités sont à la fois culturelles et sportives. Après la “Fête des éleveurs de rennes”, les nomades du Yamal se mettent en route avec leurs troupeaux pour rejoindre le nord de la Sibérie et la mer de Kara.

Quel équipement pour un voyage en Sibérie arctique ?

Après notre trek sur le lac Baïkal, nous étions déjà bien équipées pour ce nouveau voyage dans le grand nord sibérien pour affronter une moyenne de -15°c. Nous avons misé sur le système des trois couches et fait très attention à l’équipement que nous avions pour protéger les extrémités, c’est-à-dire les mains et les pieds. Les nuits, nous dormions dans deux sacs de couchage confort 0°c. Mais le Tchoum était chauffé par un vieux poêle. A partir de ce moment-là, et contrairement à notre voyage sur le Baïkal où nous dormions en tente, les nuits ne représentaient pas de difficultés supplémentaires. En revanche, avec des températures aussi basses, les batteries de nos équipements photos et vidéos se déchargent très vite. Vous retrouverez l’ensemble de mes conseils pour s’équiper pour un voyage par grand froid dans un article de blog dédié.

Quel cadeau offrir aux familles Nenets qui vous accueillent ?

Pour remercier Nina pour son hospitalité et son accueil, nous ne sommes pas venues les mains vides. Nous avions envie de faire un geste et de lui offrir un cadeau pour son usage personnel. Nous avions d’ores et déjà quelques contraintes : à savoir offrir un cadeau utile, sans emballage ou alors avec un emballage réutilisable comme une boîte à thé, qui n’encombre pas les familles Nenets lors de leur transhumance. Sur les conseils d’Anastasia, nous avons choisi d’offrir des perles et du fil à broder. Les femmes du Yamal sans exception cousent et brodent. Elles confectionnent leurs vêtements, décorent les berceaux de leurs enfants mais aussi leur Tchoum.

J’espère que vous avez apprécié le récit de ce voyage en immersion chez les nomades Nenets du Yamal. Vous trouverez tous les récits de nos voyages en immersion sur le blog ainsi que d’autres aventures à la découverte de la Sibérie. Vous recherchez d’autres idées de voyage en terres polaires ? Retrouvez sur le blog mes voyages en Antarctique et dans le grand nord.

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Blog Voyage Sibérie Russie
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